Chapitre 4 
 
Gustave Kangolo est devant son ordinateur. Heureux ! Depuis son retour de Mauritanie il communique journellement avec Naha, la fille du général Mamba. Ces deux-là se plaisent énormément et ne se le cachent pas. Ils n’ont qu’une envie : se revoir au plus tôt.  
Naha envisage de venir habiter Paris, ville pour laquelle elle a toujours eu une très forte attirance. Elle se fait sans peine, et grâce à papa, nommer secrétaire à l’ambassade en France et rejoint son poste dès juin 2026.  
En ce 4 juillet, fête nationale aux States, il lui annonce qu’il prend quelques jours de congé et, par le plus grand des hasards, c’est en France qu’il va les passer. Oh joie ! Oh bonheur, ils vont se retrouver !  
Ils se retrouvent à Paris le 10 juillet. Elle loge dans un petit appartement situé non loin de l’ambassade. Elle l’y accueille plus que chaleureusement. Ils s’aiment et se le prouvent. Son travail n’étant pas très prenant, elle peut lui consacrer ses jours et ses nuits, et comme tous les amoureux du monde, ils font des projets d’avenir. Pendant 10 jours ils sont heureux. 
Dans la nuit du 20 au 21 juillet, Gustave est réveillé par de douloureux maux de tête. Il a une forte fièvre et prononce des mots incompréhensibles. Naha, affolée, appelle le SAMU. On transporte Gustave à l’hôpital Américain où les meilleurs spécialistes se penchent sur son cas. Les examens pratiqués ne révèlent rien d’anormal. D’ailleurs la fièvre tombe aussi vite qu’elle est venue. Les maux de tête s’estompent. Trois jours après il est autorisé à sortir de l’hôpital. Il peut retrouver Naha à son appartement. Il décide de prolonger son séjour de quelques jours, et tout redevient comme avant. 
Comme avant ? Pas tout à fait. La nuit, dans son sommeil, il tient de vrais discours que Naha entend mais ne comprend pas, vu qu’ils sont dits dans une langue inconnue d’elle. Au matin, lui ne se souvient de rien et prétend même qu’elle affabule.  
Du coup, elle récupère à l’ambassade un enregistreur qu’elle met en marche avant de s’endormir. L’appareil enregistre le discours que Gustave ne manque pas de faire cette nuit encore. Elle l’enregistrera trois nuits de suite.  
Lorsqu’ils écoutent les paroles, grande est leur stupéfaction de constater que les enregistrements sont exactement identiques. Pas une césure de phrase, pas une intonation qui ne soient identiques. C’est très exactement le même texte qui est dit et redit. Seul problème il est incompréhensible, car dit dans une langue absolument inconnue. 
Les traducteurs de l’ambassade, habitués pourtant à devoir traduire de nombreux dialectes peu courants, se révèlent incapables de comprendre.  
Dérouté par ce qui lui arrive, et continuant chaque nuit à répéter inlassablement dans son sommeil la même litanie, sans y apporter la moindre modification, Gustave, en dernier ressort, appelle son patron à Washington, et explique longuement à Bergson son étrange discours. 
Ce dernier lui demande de lui en faire parvenir une copie par internet. Ce qui est fait dans l’heure. Les traducteurs américains qu’utilisent habituellement le Cabinet Ralph and Bergson sont mis à contribution. Sans plus de succès.  
Ne s’avouant pas battu pour autant, Bergson appelle une de ses relations à la CIA. Il explique longuement les origines de ce discours, et l’impuissance des uns et des autres à en tirer un commencement de sens. Son interlocuteur à la CIA demande à ses experts de se pencher sur le texte – les paroles ayant été à présent couchées sur papier phonétiquement. Le mystère persiste et on décrète que finalement il doit s’agir d’un trouble psychotique liée à la récente poussée de fièvre du sujet. On conseille vivement à Gustave de consulter au plus vite et de rentrer rapidement aux États-Unis. 
Il s’arrache donc des bras de Naha et regagne Washington. Il est alors pris en mains par les meilleurs médecins de la ville, lesquels sont aussi incapables de comprendre les raisons de cette logorrhée nocturne  
Les jours – et les nuits - passent. 
Mais voilà qu’un jour d’octobre 2026, un message du correspondant local de la CIA à Nouakchott parvient à Langley. Ce message demandait que l’on essaie de traduire le contenu d’une cassette audio qu’avait enregistrée un cadre des mines de fer de Zouerate avant de mourir d’une embolie. Cet homme était employé aux mines depuis de nombreuses années et, aux dires de son entourage, était sérieux et parfaitement sain d’esprit. Il précisait dans son enregistrement qu’il savait que ce qu’il avait à transmettre était de la plus haute importance, sans pouvoir expliquer de quoi il s’agissait.  
La CIA se mit au travail et ne comprit rien au texte. C’est alors que quelqu’un lança « Nous voilà encore avec un mystère linguistique impossible à résoudre ».Cette boutade à priori anodine interpella l’un des spécialistes présents qui se rappela le précédent message non traduit.. On ressortit l’enregistrement de Gustave. La stupeur fut grande quand on s’aperçut que les deux messages étaient absolument identiques, dans les mots, la forme, l’intonation. Et plus surprenant encore c’était la même voix ! 
 
Il n’en fallait pas plus pour qu’immédiatement on mobilise l’appareil d’état et qu’une armée de techniciens, de savants, de militaires, d’informaticiens soit réquisitionnée pour trouver un commencement de traduction à cet énigmatique message. Car nul, maintenant, ne doute qu’il s’agisse d’un message. 
Les ambassades US dans le monde reçurent instruction de signaler immédiatement les faits similaires dont elles pourraient avoir connaissance.  
En moins d’une semaine on signala un cas identique au Brésil, dans une petite ville nommée Engenheiro Paulo de Frontin, pas très loin de Rio de Janeiro.  
Un cas est découvert aux îles Féroé, un autre en Namibie dans la banlieue de Windhoek. 
Quelques jours après on apprend qu’il y en a eu un aussi sur une île perdue dans le sud de l’océan Atlantique l’île Tristan. 
Enfin, sur un navire porte-conteneurs d’une compagnie algérienne qui faisait route vers les États-Unis, un matelot se meurt dans d’épouvantables souffrances en éructant le même texte incompréhensible. 
Et puis plus rien.  
Personne ne peut traduire ce langage inconnu. Les ordinateurs les plus puissants sont mis à contribution, sans le moindre succès. 
Dans son petit bureau, au troisième sous-sol du Pentagone le lieutenant Rachel Bargman est occupée à classer par pays les dépêches qui ont été traitées par l’État-major. Parmi celles-ci les rapports concernant le fameux message. Au mur devant elle un immense planisphère sur lequel sont coloriées les zones de conflits dans le monde.  
Ne sachant pas trop où classer les îles Féroé, dont elle n’a jamais entendu parler, elle essaie de les localiser sur son planisphère et découvre qu’il s’agit d’une possession danoise tout au nord de l’Irlande. 
Même enquête lorsqu’elle tombe sur le dossier île Tristan. Elle a beaucoup plus de mal à la trouver, n’ayant pas l’idée, de prime abord, de chercher à l’extrême sud de l’Atlantique. Il s’agit là d’une possession britannique qui s’appelle en réalité Tristan da Cunha. Ça n’a pas l’air bien important ce petit coin de terre perdu dans l’immensité de l’Atlantique austral.. Elle reste cependant intriguée par ce hasard qui a fait que deux évènements absolument semblables se soient déroulés en si peu de temps aux deux extrémités de la planète.  
Curieuse comme on lui a appris à l’être pour son métier lié au renseignement, elle ressort les autres dossiers qu’elle a déjà classés la veille et les localise sur sa carte au moyen de petits drapeaux punaisés.  
Sa surprise est vive de constater qu’elle peut, en reliant ces points entre eux, constituer une figure géométrique de deux triangles opposés par les sommets. Plus surprenant encore, les deux sommets de ces triangles sont positionnés en plein cœur de la Mauritanie. Les quatre autres angles des deux triangles paraissent être sur la même latitude 22°33’ sud pour la Namibie et le Brésil et 48°51’ N pour Paris. 
Elle se précipite dans le bureau de son chef, le Colonel Douglas Shaw, et toute excitée, lui demande s’il peut venir voir le résultat de sa curiosité. Ce qu’il fait. 
Il en reste perplexe. Sans hésiter, il trace avec un gros feutre noir les droites qui vont relier ces points géographiques les uns aux autres. Une coordonnée manque, c’est celle du navire sur lequel est mort le matelot, porteur du cinquième message. . Il obtient le renseignement dans les deux heures suivantes. Le résultat ne l’étonne pas. Le relèvement du navire au moment de son appel de détresse était 48° 51’ 32’’ N, Très exactement la même latitude que Paris  
— Je crois, Lieutenant, que vous venez de mettre le doigt sur quelque chose qui peut se révéler capital. 
— J’en suis heureuse, Mon colonel. Que dois-je faire des dossiers ? 
— Mettez-les à l’abri, jusqu’à demain. Je vais prévenir la cellule en charge de l’enquête. 
Branle-bas de combat dans les locaux de la CIA. Pour une fois armée et services secrets collaborent main dans la main. Le mystère est trop grand pour qu’il n’y ait pas volonté commune d’aboutir à un résultat. Le colonel Shaw est accompagné de sa jeune lieutenant qui est à l’origine de ce qui pourrait être une avancée capitale.  
Sur un grand écran est projeté en relief virtuel un planisphère. Tous les points théâtres de la manifestation du message sont surlignés et reliés les uns aux autres.  
— Lieutenant Bargman, comment en êtes-vous arrivée à cette découverte 
— Par le plus grand des hasards. J’ignorais où se trouvaient les îles Féroé et Tristan. Après les avoir situées, ce qui m’a interpellé c’est le fait qu’elles soient aux antipodes l’une de l’autre. Après j’ai fait des recherches pour les autres points. 
— Belle initiative ; Mais ça nous mène où, tout ça ?? Je vous le demande. 
— Vous permettez, général ?? 
— Oui lieutenant ! 
— Cette figure m’a fait penser à un dessin célèbre.  
— Lequel ? 
— Leonardo da Vinci, l’homme de Vitruve. Féroé serait la tête, Paris et le navire les bras, et le Brésil et la Namibie les pieds. Quant à Tristan, elle correspondrait à la deuxième paire de pieds du dessin.  
— On va mettre nos chercheurs sur cette hypothèse. Elle en vaut bien une autre.  
— Quelqu’un a une idée ? 
— Oui, Général. A tort ou à raison ce dessin est associé au Nombre d’or ou encore à la suite de Fibonacci. J’ignore si nos ordinateurs pourront en tirer quelque chose, mais comme nous n’avons pas d’autre piste… 
Intervient alors un général de l’armée de l’air, arborant fièrement sur sa poitrine plus de décorations, à lui tout seul, que l’ensemble des participants.  
— Je ne voudrais pas affoler cette assemblée, mais je rappelle, quand même, que la Nasa continue de signaler des phénomènes étranges au-dessus de nos têtes, qu’on ne sait pas de quoi il s’agit exactement. Il semble d’ailleurs que les taches noires observées sont de plus en plus nombreuses. Toute une partie du ciel est devenu sombre, un peu comme si un rideau avait été tiré devant les étoiles. Tous les télescopes terrestres sont maintenant pointés vers le phénomène. On ne distingue rien. Pas de lumière (à part de temps en temps quelques flammes), pas d’onde radio, et nos ondes radar ne reviennent pas. Elles sont comme absorbées. Au risque de passer pour un fou, je crois bien qu’une fantastique flotte est en train de se matérialiser dans cette partie du ciel. Que Dieu garde l’Amérique et le monde ! Si cela s’avérait vrai je peux vous certifier que nous ne sommes pas aptes à repousser de tels ennemis. 
— Pourquoi ennemis ? Pourquoi pas visiteurs amis ou fraternels ? 
— Imaginez que demain la presse fasse état de cette menace ou visite, comme vous voudrez. Comment croyez-vous que réagirait la population ? Affolement, panique, on prend les armes pour défendre sa maison, son terrain, son boulot. On ne discute même pas, on tire. Et la riposte serait terrible. S’il y a là-haut des engins aussi énormes que ce que le laissent entrevoir nos observations, croyez-moi, la terre est foutue. C’est pourquoi je pense qu’il est important de déchiffrer au plus vite ce message. Je suis persuadé qu’il émane d’eux. 
— Eux ? 
— Oui, Eux. Qui qu’ils soient ou quoi qu’ils soient ! 
— Donc d’après vous la menace est réelle. 
— Absolument. 
— Nous allons donc en informer le Président. 
Ce qui fut fait, mais rien ne changea, car d’une part la menace, si menace il y avait, n’était pas encore précisée, et on ne voulait surtout pas informer et affoler les populations. 
Dans les laboratoires les chercheurs cherchaient ; les ordinateurs les plus puissants de la planète avaient même été mis en batterie pour accroître leur puissance de calcul ; On y avait introduit toutes sortes de données. Depuis le Nombre d’Or, la suite de Fibonacci, des équations sorties de vieux logiciels ayant servi à calculer – sans résultat probant – les prophéties cachées –disait-on – dans les pyramides d’Egypte. Tout cela pour rien. C’est alors qu’un matin, le mardi 17 novembre 2026, l’imprimante de l’ordinateur de bureau du Lieutenant Rachel Bargman se mit à cracher une dizaine de feuillets d’un texte que la jeune femme n’avait jamais entré dans sa machine.  
Surprise et indignée de ce manque de savoir-vivre dont faisait preuve ce pur produit de l’informatique américaine, Rachel allait interrompre l’impression lorsque le texte de la première page lui sauta aux yeux et la fit se rasseoir sur son siège, abasourdie. Le texte lui semblait écrit dans cette langue inconnue dont tous les experts gouvernementaux, ici comme dans bien d’autres pays, cherchaient en vain la signification.  
Alors qu’elle se demandait qui pouvait bien lui envoyer ce texte, la couleur de l’impression changea et passa au rouge.  
Maintenant le texte était en anglais et paraissait être la traduction après laquelle tout le monde courait. 
Le texte original faisait cinq pages, impression noire, le texte traduit faisait cinq pages, impression rouge. 
Avant de le porter à son chef, Rachel prit le temps de le lire, de le relire. Par prudence elle en fit deux sauvegardes sur deux clés USB, qu’elle cacha l’une dans un classeur haut perché sur une étagère, l’autre sous un meuble dans un coin de son bureau. Elle fit cela sans y penser, sans l’avoir voulu, un peu comme téléguidée par son subconscient. 
Sans même frapper à la porte du colonel, elle entre telle une tornade en criant : 
— Je l’ai ! 
— Vous avez quoi Lieutenant. Un coup de folie ? 
— Non mon colonel, la traduction. 
— Traduction de quoi ? 
— Du texte des extraterrestres, des Rorochdiens. 
— Des quoi ? 
— Rorochdiens, c’est comme ça qu’ils se nomment. 
— Asseyez-vous, mon petit, calmez-vous, expliquez-vous. 
— Lisez, mon colonel, ça sera mieux. 
Le colonel prend les feuillets que lui tend la jeune femme, les lit, les relit et s’écrie NOM DE DIEU !  






Rappel  Le texte complet fait 365 pages pour 28 chapitres
De quoi vous plonger dans une aventure politico philosophique qui vous ravira . bonne lecture