Il s'appelait Van Berg : c'était un vrai ch'timi.
Aux confins du pays, sous le ciel gris du Nord
Pour nourrir sa famille, obtenir des crédits,
il se pliait toujours à la loi du plus fort
Les plus forts l'exploitaient ; pendant onze longs mois,
levé tôt le matin, il rentrait tard le soir.
Il était bon mineur, profonde était sa Foi.
Oui, il croyait en Dieu ; en lui vivait l'espoir.
L'espoir d'une autre vie où il pourrait enfin
offrir à sa famille, dans un autre univers,
loin des corons noircis et des terrils malsains
un rayon de soleil sur l'azur de la mer.
La mer où justement, il avait eu l'idée
de partir en vacances avec femme et enfants,
dans ce Sud chaud et sec, à la terre brûlée
où le ciel est si bleu qu'il en est presque blanc.
Blanc aussi est le sable, quand les pins parasols
viennent baigner leur ombre dans la houle bleutée,
que des filles aux seins nus, étendues sur le sol
aux rayons du soleil offrent leur peau halée.
Halés, ils le seraient aussi à la fin des congés.
Ils auraient profité de la mer et du vent
Ils remercieraient Dieu d'avoir, avec bonté,
permis qu'ils se retrouvent, heureux, insouciants.
Insouciants et comblés, ils avaient pris la route,
la voiture chargée de ces menus objets
qu'on emporte avec soi, malgré que nul ne doute
qu'une fois installés, ils seront oubliés.
Oubliés, eux aussi, le ciel gris et la roche
noire des crassiers. Les enfants endormis
rêvaient avec délices aux heures toutes proches
où ils pourraient enfin profiter du Midi
Le Midi où déjà, leurs rêves les plus fous
les avaient transportés. Quelle est belle la vie
quand la rêve un enfant ! Le plus petit caillou
le moindre grain de sable deviennent poésie
Poésie, jeux d'enfants, rire joyeux des grands
qu'il est bon de courir sans fin sur une plage
foulant de ses pieds nus le sable doux et blanc
Seigneur je crois en Toi, Merci pour ces instants.
Instants hélas rêvés, à jamais non vécus.
Ce qu'ils ne savaient pas, c'est que cette autoroute
qu'ils parcouraient joyeux, était à leur insu
d'un destin finissant l'amère clé de voûte.
Voûte étoilée, Astres brillant aux cieux,
en cette noire nuit qui très bientôt s'achève
vous frémissez d'effroi, voyant le Doigt de Dieu
soudain pointer vers eux , tel le courroux fait glaive.
Glaive qui s'abattra sur la cible choisie,
en ayant pris la forme que l'Exterminateur
a voulu lui donner. A cinq heures et demie
un camion roulait, aux mains de son chauffeur
Chauffeur en tous points sérieux et expérimenté.
Quelques roches énormes, sur sa benne posées,
par lui devaient atteindre un point déterminé.
Il n'en était plus loin, elles seraient livrées.
Livrées après ce pont qui franchit l'autoroute
Mais voila que soudain vibre le chargement !
Un trou sous les roues s'est formé, et nul doute
que le Céleste Doigt en fait Son instrument.
Instrument efficace et précis. Tout bascule !
Camion et rochers seront précipités,
sous les yeux affolés d'une femme qui hurle,
Douze mètres plus bas. C'est là que fatigués,
Fatigués mais heureux, car ils vont arriver,
Van Berg, sa femme et ses enfants exultent
A droite, après le pont, la carte qu'ils consultent,
indique que c'est là qu'il leur faudra tourner.
Tourner, ils s'y apprêtent. A droite ils se rabattent
et sous le pont s'engagent à ce moment précis
où, tout au dessus d'eux, du drame en cours éclatent,
dans un bruit de tonnerre les fracas et les cris.
Cris vite transformés en d'affreux hurlements.
Il n'a rien pu faire, trop grande est la vitesse.
Sur les freins, arc-bouté, en un long crissement,
du choc il essaiera de parer la rudesse.
Rudesse est faible mot. Car les roches énormes
par devant la voiture, tombées en un éclair
ont dans le même temps fait éclater dans l'air
la ferraille et les corps en des lambeaux informes..
Informes et sans vie. Seigneur comment comprendre
qu'une famille entière, venue du Nord lointain,
dans la douce Provence, en ce petit matin
ait pu trouver la Mort ?
Pourquoi ne pas attendre ???
Poème inspiré d'un horrible fait divers qui s'est produit quelque part sur l'autouroute A51 dans les environs de
Bandol dans le sens Marseille - Toulon.
***
Evangiles Mathieu 25 1-13
"Veillez et priez car vous ne savez ni le jour ni l'heure !"
Pensez-y quand vous prendrez le volant
Attendre est inutile, répondit le Céleste
Veillez et priez ! Eux l'ont fait .. Pour le reste
Contentez-vous, Mortels, de regarder les cieux.
Un jour sur vous aussi, sera le Doigt de Dieu